Des flux incessants de mots, de phrases, d'idées, viennent m'agresser dans un pseudo-sommeil, en plein milieu de la nuit. Comme une horde d'oiseaux bruyants qui viennent me piquer, les mots m'assaillent par vagues de plus en plus violentes. Je dois me lever, mon cerveau est en ébullition, incontrôlable. Est-ce de la démence ? Je préfère saisir mon stylo et noircir un peu plus mon cahier avec des mots inutiles, des mots qui n'iront jamais nulle part, des phrases qui viendront s'échouer aux bords des pages. Je saisis presque violemment mon Leica et me prends à photographier des choses insignifiantes d'une chambre que je connais par cœur.
Je crois que mon cerveau, sevré d'information, de stimuli, vient de se mettre en court-circuit. "Des fils se touchent" comme on dit dans les villages de mon cœur, là où l'air sent bon et où on entend encore les cloches sonner. Écrire me calme. Un jour, je relirai la vingtaine de carnets qui prennent la poussière, je scannerai les milliers de négatifs jamais regardés.
Un jour, je réaliserai mon grand rêve. Rejoindre Saint-Jacques-de-Compostelle en marchant, accompagné de mes fils ainés. Puis le refaire par un autre chemin avec mon plus jeune fils quand il sera en âge de le faire. Quand il aura l'âge de l'Initiation que nos sociétés occidentales ont perdue. L'âge où le jeune Indien d'Amazonie doit passer quatre jours seul dans la forêt ou dans d'autres contrées, d'autres rituels. Nous avions le service militaire, qui faisait le deuil de l'adolescent et la naissance de l'adulte. Quand les repères s'effacent, d'autres prennent la place.
Mais comment trouver des repères dans un monde bâti sur des fondations en carton ? Quand vous imaginez que la plus grande société de taxi au monde, ne possède aucune voiture. Que le plus grand hébergeur au monde, ne possède aucune chambre, aucun bâtiment. Ou encore que les deux plus grands commerçants au monde, ne possèdent aucun magasin. Et bien sûr, la plus grande société de "média" au monde, qui ne crée aucun contenu... Comment nos jeunes trouvent-ils des repères quand bon nombre de mouvements de pensées n'ont de cesse de vouloir détruire la famille, effacer notre histoire, dérégler les genres, crucifier le mâle blanc archaïque auteur de tous les maux de la Terre ? Je n'aime plus que trop rarement ce monde. Penser à cette grande marche vers moi-même me calme et m’apaise. Pas-à-pas, avancer, doucement. Photographier, écrire avec la lumière et avec le stylo. Accoucher de cette œuvre jamais aboutie. Je crois que cela porte un nom : "slow life".
En l'occurrence aujourd'hui, ce fut encore "speed life" avec une journée sous haute pression, qui me pousse encore plus vite vers la sortie de ce mini-enfer. T
Je suis content de t'avoir tenu brievement compagnie et si j'avais su j'aurais discute plus longuement avec toi. Je crois que tu mets le doigt sur des questions que beaucoup de gens se posent. "On n'arrete pas le progres", "il faut vivre avec son temps", en gros marche ou creve...