Pour aller loin, il faut mettre à chaque pas, un pied devant l'autre. Au début hésitant, je glissais mon pied gauche sur le bord du mur. Puis sans regarder en bas, le droit suivait. Le précipice était tellement profond que je ne pouvais en voir le fond. La peur du vide crispait mes jambes qui commençaient à trembler. Comme poussé par une tape amicale dans le dos, je me sens basculer dans l'abîme. Je me surprends à concentrer totalement mon esprit dans le vol. Je dois voler. Je vole. Je sens mon corps se raidir lorsque je redresse pour monter, et me détendre pour tourner. Je peux voler dans toutes les directions. Les oiseaux se mirent à chanter, je cherche la forêt mais ne vois rien. Il me fallut quelques secondes pour prendre conscience que les oiseaux proviennent de mon téléphone et que je planais en plein rêve. La sensation de voler est exquise. Celle de marcher à la limite du precipice aussi. Aujourd'hui j'allais m'approcher le plus possible du gouffre qui sépare deux mondes.
La Corée est séparée en deux depuis le 27 juillet 1953 après trois ans de guerre et des millions de morts et après avoir signé un pacte de non-agression. L'accord restaurait la frontière entre les deux corée près du 38e parallèle et créait la zone coréenne démilitarisée (DMZ), une zone tampon fortifiée entre les deux nations coréennes. Les deux pays étant encore officiellement en guerre, des incidents mineurs continuent de se produire encore aujourd'hui. À moins d'une heure de Séoul et sous un soleil glacial j'aperçois les premiers barbelés. Les tours de guet qui surplombe le grand mur. Entre les deux, une zone uniformément plate et vide. Puis l'eau, la rivière qui purifie les âmes.
La Nature ne fait pas de politique, et les canards se posent dans le "no man's land", ils passent du Nord au Sud ou inversement, sans passeport ni autorisation. La neige tombe inconditionnellement au Nord comme au Sud. Le froid glacial gèle les mains des deux côtés. La Terre ne connaît pas de frontière, ni de mur, si ce n'est les épaisses montagnes de l'espérance.
Je me suis senti comme dans mon rêve, a cheval entre deux mondes. Pas simplement deux espaces mais deux époques, deux idéologies. Le Nord et sa dictature Communiste détruisant la créativité et l'individu, et la dictature des marchés et de la consommation au Sud. Comme disait Jean-Louis Barrault, "La liberté, c'est la faculté de choisir ses contraintes", ces gens-là ne sont pas libres. ils n'ont jamais choisi d'être séparés de leurs familles et de vivre dans la terreur d'un dictateur mégalomane. Mais le Soleil brille pour tout le monde et nous partageons tous la même atmosphère donc gardons l'espoir de voir un jour ces deux mondes se retrouver. T
Il ya des canards qui se croient tout permis. La DMZ est un endroit impressionnant avec un stand-off digne d'un film de science fiction.